Vous avez sans doute remarqué : il y a peu de recettes avec de la viande sur le blog. Nous en mangeons en effet de moins en moins (mais de mieux en mieux !). Cela fait quelques temps que j’avais envie d’aborder ce sujet … mais je ne savais pas trop comment le faire entre des positions clivantes : de la viande à tous les repas à l’alimentation végétarienne, comment se positionner au-delà des clichés et des étiquettes ? Certaines choses m’interrogent, me questionnent … j’essaye de trouver un juste milieu, un compromis. Je vous expose là l’état de ma réflexion et ma pratique en la matière, pour remettre la viande à une place qui me semble plus juste et mesurée dans l’alimentation de ma famille. Pour ce faire, la lecture du livre « Manger moins (et mieux) de viande » de Gilles Daveau, édité chez Actes sud – Kaizen, m’a aidé à éclaircir ma position. Je m’appuie en partie dessus dans les propos ci-dessous, les citations que je vous donne en proviennent.
3 (bonnes) raisons pour réduire sa consommation de viande ?
Pour des raisons environnementales :
On connaît aujourd’hui une prise de conscience du réchauffement climatique que connaît notre Terre et de ses causes, où l’élevage occupe une bonne place : il émet en effet 14,5% des gaz à effet de serre. Par contre, il est prouvé qu’un régime mixte associant des viandes variées en quantités modérées et des protéines végétales, permettraient d’atteindre et même de dépasser très rapidement l’objectif de réduction par quatre des émissions de gaz à effet de serre (Claude Aubert et Nicolas Le Berre, Faut-il être végétarien … pour la santé et la planète, Terre Vivante, 2007).
Pour des raisons de santé :
Nous mangeons trop de viande et cela nous rend malade, avec une progression forte du diabète et de l’obésité dans notre pays. Les protéines animales représentent aujourd’hui 65 à 70% de l’apport protéique moyen des Français, alors que dans le cadre d’une alimentation saine et diversifiée, les protéines végétales devraient représenter au minimum la moitié de l’apport protéique total (Dr. Rémond de l’INRA).
Pour des raisons éthiques et sociales :
Les reportages chocs sur l’élevage ou l’abattage industriel exposent des souffrances animales, mais aussi humaines, avec des éleveurs qui s’épuisent à la tâche pour un demi-salaire. Ce qui faisait partie de la vie des sociétés traditionnelles (élever, cultiver, tuer et conserver) a été caché pour fournir une matière abondante, dont on ne connait plus la valeur (22% de la viande produite et commercialisée en Europe est perdue ou gaspillée !).
Pourquoi ne pas être végétarien alors ?
Les raisons d’opter pour une alimentation végétarienne ou flexitarienne (même si je n’aime pas les cases !) sont propres à chacun et n’ont pas à être jugé. Ayant des origines auvergnates, je suis familière des prairies de montagne et des élevages extensifs qu’on y trouve. C’est pourquoi le discours globalisant mettant tous les types d’élevage dans le même panier m’a toujours gêné. Au-delà des statistiques globales, il y a en effet une différence profonde entre des ruminants en système herbager, qui transforment la matière végétale en lait, fertilisent les sols et contribuent à la captation du carbone par le biais des prairies et les animaux des systèmes intensifs, élèves en stabulation uniquement pour leur viande et nourris avec des éléments qu’on a cultivés : une quantité de protéines végétales très supérieure à la masse de protéines animales obtenues. De plus, étant paysagiste de métier, je suis évidemment très sensible à la question des paysages. Que deviendront les prairies du Cantal ou de Haute-Loire, où les formes d’élevage pratiquées sont en réelle adéquation avec le type de sol et a permis le développement d’une forte biodiversité.
Manger moins de viande mais de meilleure qualité
Moins de viande, c’est découvrir la richesse d’autres aliments qu’on connaît mal ou qu’on a oubliés, pour une alimentation plus variée, goûteuse et équilibrée.
Je ne suis donc pas végétarienne, par contre j’adore cette cuisine très inventive, qui m’a vraiment permis d’élargir énormément ma palette culinaire. Les deux blogs, que je vous recommande pour vous donner des idées, sont :
- Le blog de Cléa que je suis depuis très longtemps. Elle m’a vraiment ouvert les chakras sur quantité de nouveaux ingrédients à utiliser (même si je n’ai pas encore sauté le pas pour tous). J’ai également son livre « Veggie, je sais cuisiner végétarien », aux Editions La plage, une vraie bible que j’aime beaucoup.
- Le blog du Cul de poule de Mélanie, que j’ai découvert il y a quelques mois. J’aime son ton humoristique et elle a résolument une cuisine simple et familiale, avec souvent des idées de menu et d’organisation.
Mieux de viande, c’est ne plus en manger par défaut, mais retrouver la liberté et la capacité de choisir, au sens propre, afin qu’elle redevienne ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être : un aliment de choix.
Donc, oui à la viande de bonne qualité, avec des animaux élevés en plein air, dans nos prairies françaises, à l’herbe (pour le cas du boeuf par exemple) et non au soja du Brésil ! Ces pratiques plus vertueuses signifient évidemment un prix plus élevé pour rétribuer à sa juste valeur le travail de l’agriculteur … mais quel plaisir en échange ! Nous ne mangeons plus que du boeuf élevé en plein air, uniquement à l’herbe, provenant du sud-Gironde. Nous le savourons quand il est au menu et son goût est incomparable !
Comment ne manquer d’aucun apport ?
C’est souvent l’inquiétude qu’on entend, quand on parle de manger moins de viande. Les protéines sont évidemment nécessaires à la constitution du corps humain : les muscles, la peau, les os, etc. et le fonctionnement physiologique sous forme d’hémoglobines, d’hormones, …Les protéines peuvent être d’origine animale (viande, oeufs, produits laitiers) ou végétale (légumineuses, céréales, fruits à coques). Pour répondre au besoin de notre corps en protéines, on peut donc essayer de varier au maximum nos aliments. Par exemple :
- manger de la viande,
- associer légumineuses & céréales (durant le même repas ou la journée),
- combiner de petites quantités de protéines animales (viande, oeuf ou fromage) avec des protéines végétales,
- manger des oléagineux.
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5 idées à tester pour apprendre à manger autrement
Idée n°1 : réduire la portion de viande
Pour amorcer le changement en douceur, on peut choisir des plats appréciés de toute la famille : y introduire plus de légumes et diminuer la part de viande, en la préférant de meilleure de qualité.
On peut revoir ces plats où la viande a déjà une place modérée ou les décliner en version végétarienne : une sauce bolognaise avec moins de viande mais relevée de champignons, un gratin ou une tarte aux légumes agrémenté de fromage de chèvre, un risotto de petits-pois, des tomates farcies aux céréales, une salade composée, etc. Cela permet de construire petit à petit de nouveaux automatismes, en arrêtant de penser « je mange sans viande », mais je mange une tarte, des lasagnes, un risotto, etc.
Idée n°2 : organiser et penser le repas à partir des légumes
Ne plus penser la composition du repas à partir de la viande, où les autres aliments sont réduits à la place d’accompagnement ou de garniture. Cela a été vraiment le point de départ pour modifier notre alimentation à la maison. Ce changement s’est amorcé avec notre adhésion à l’AMAP. En effet, même si nous mangions déjà beaucoup de légumes de saison avant cela, j’y ai découvert une diversité de légumes et cela m’a obligé à sortir de ma zone de confort carottes-poireaux-courgettes-aubergines-tomates. Il existe une telle variété de légumes, de céréales, de légumineuses … cela promet de multiples associations et saveurs. Certes, il faut un peu de créativité pour cuisiner et relever tout cela. Mais internet est une ressource inépuisable pour nous aider !
Idée n°3 : vive les légumineuses !
Personnellement, je trouve que les légumineuses sont une vraie aide pour réduire notre consommation de viande, car elles sont très rassasiantes pour les gros mangeurs qui auraient peur d’avoir faim avec un repas sans viande. Les nouvelles recommandations du PNNS recommandent d’en manger au moins deux fois par semaine pour leur richesse en fibres et en protéines végétales. Je n’arrive pas toujours à atteindre ces « deux fois », mais je les ai maintenant mises systématiquement au menu du mercredi pour m’assurer qu’on en mange dans la semaine. Il en existe une grande variété :
- Les lentilles vertes ou corail sont les plus faciles à cuisiner, car elles ne nécessitent pas de temps de trempage.
- Les pois cassés sont délicieux en soupe ou en purée.
- Les pois chiche permettent des plats très variés : rôtis en apéro (comme ici), en tartinade pour l’houmous, en salade, en couscous, …
- Les haricots (blancs, rouges …) pour toutes sortes de plats, notamment mijotés, car ils demandent une cuisson longue.
Pour aller plus loin : n’hésitez pas à consulter mon article sur ces drôles de graines ici. Vous saurez en détail leurs intérêts, comment les cuisiner et vous y retrouverez toutes mes recettes les utilisant.
Idée n°4 : s’inspirer de la cuisine du monde
Elle peut être une réelle source d’inspiration pour modifier progressivement sa cuisine, car on y retrouve souvent l’association légumineuses et céréales, qui permet d’apporter des protéines végétales avec un fort intérêt nutritionnel. Dans le monde, 70 % des apports en protéines proviennent des végétaux. « Les céréales sont riches en acides aminés soufrés, mais très déficitaires en lysine. Les légumineuses sont riches en lysine, mais contiennent moins d’acides aminés soufrés. Ainsi, les deux sources de protéines s’équilibrent », explique Stéphane Walrand, chercheur Inra à l’unité « Nutrition humaine ».
- Dhal indien : riz & lentilles (c’est le plat que je pratique le plus à la maison !), par exemple cette recette.
- Couscous au Maghreb : blé & pois chiche
- Tortillas au Mexique : maïs & haricots rouges
- Fejoade au Brésil : riz & haricots noirs (et viande de porc)
- Potée paysanne en Europe de l’est : légumes secs et de saison & pain ou pâtes (et viande séchée)
- Chop suey en Asie : riz, soja, légumes (et poisson ou porc ou volaille)
Idée n°5 : créer son assiette « mosaïque » gourmande
Cette idée de Gilles Daveau (proche du Buddha bowl très en vogue) me paraît très intéressante dans une famille à la fois pour anticiper la préparation des repas et faire manger de manière variée et équilibrée les enfants (et toute la famille !). Cela consiste à composer une assiette gourmande avec différentes catégories d’aliments :
- des crudités : salade, fruits en morceaux, …
- des légumes cuits : soupe, jardinière de légumes, gratin, purée …
- des céréales : semoule, riz, pâtes, galettes …
- des protéines animales (oeuf, fromage, émincé de viande ou poisson) ou végétales (lentilles, haricots, falafels, houmous …) ou un peu des deux
- des éléments onctueux et un peu gras : vinaigrette, crème, pesto, moutarde, sauce à partir d’oléagineux …
- des condiments : olives, cornichons, légumes confits, herbes, graines diverses …
Chacun à table se compose sa propre assiette en piochant dans les différentes préparations, avec seul impératif d’avoir un choix de chaque catégorie. Laisser cette liberté aux enfants peut permettre de les faire manger équilibré, selon leur propre volonté et plaisir ! Ça peut aussi être facilement intégré dans la préparation anticipée des repas : choisir chaque semaine 2 ou 3 aliments de chaque catégorie dont certains seront préparés à l’avance pour être associés, selon les envies de chacun.
Pour aller plus loin : n’hésitez pas à consulter mon article sur les salades complètes, où j’utilise ce principe J’adore cette méthode pour composer des repas l’été.
Consulter l’article « Comment équilibrer un plat sans viande ? » : plus de 30 idées du petit-déjeuner au dîner
Comment réduire la place de la viande dans l’alimentation des enfants ?
Même si je souhaiterai effectivement qu’ils mangent moins (mais mieux) de viande. Je n’ai pas la main complètement sur cette question : la cantine en propose quasiment tous les jours, même si certaines introduisent des repas végétariens (2 fois par mois dans celle de mon village). De plus, ces repas végétariens ne sont pas toujours très bien équilibrés, car cela demande un accompagnement et une formation des équipes en cuisine. Mes filles ont déjà la chance d’être dans une petite école de village, avec encore une cuisine … on peut espérer que là aussi, les pratiques évolueront. J’ai donc modifié les repas qui sont pris à la maison : plus de viande le soir. Elle est réservée désormais au week-end où nous l’apprécions à sa juste valeur !
Comment amorcer le changement chez vous ?
Changer ne peut se faire qu’en douceur, pas à pas. En fonction des habitudes de votre famille :
- Gardez des repas avec viande, mais réduisez les portions.
- Testez par exemple un jour sans viande par semaine, avec une nouvelle recette, parmi les idées citées plus haut : soit elle plait et vous la rajoutez à votre liste de recettes familiales, soit elle ne plait pas et elle est écartée.
- Testez l’assiette « mosaïque » gourmande (cf. plus haut).
- Introduisez un nouvel ingrédient à la fois, pour ne pas susciter le rejet (cf. article sur la néophobie alimentaire des enfants ici). Présenter l’aliment plusieurs fois et sous des formes familières : blettes en soupe ou en cake, millet avec une sauce tomate, etc.
- Si vous faites les courses avec vos enfants, choisissez ensemble un nouvel aliment qui éveille votre curiosité à essayer. On peut alors chercher en famille une recette à tester.
J’espère que ces pistes vous aideront à faire évoluer votre alimentation tout en gardant le plaisir de manger … sans viande ! Et vous, où en êtes-vous de la consommation de la viande à la maison ? Quelles difficultés se présentent à vous ? Racontez-moi en commentaires …